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05/12/2015

Où va la COP 21 ? Pour l'instant, nulle part

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 Les avis de William Bourdon  et  Fabrice Nicolino :


Fabrice Nicolino* (Le Monde, 4/12, extraits) :  

<< Evidemment, la COP 21 sera un naufrage. Evidemment, on la présentera comme un triomphe de la société humaine... Il serait facile de moquer la petite armée planétaire des experts, [...] juristes et diplomates que nul ne connaît et qui n’ont donc aucun compte à rendre aux peuples directement concernés. Au reste, les peuples existent-ils ?... >>

<< ... La question de la responsabilité des transnationales dans le drame biblique en cours ne peut être esquivée. La logique de ces entreprises est de forer, d’extraire, de manufacturer et de vendre. Et ce faisant, d’entretenir comme le feu sous la soupe, le dérèglement climatique... >>

<< ..Il est évident que le cadre de la COP 21 interdit toute vérité. Car lutter contre le dérèglement climatique impose de revoir pour de vrai notre absurde appétit de biens matériels. Lesquels sont, jusqu’à plus ample informé, le moteur – véritablement à explosion – de l’industrie et des entreprises... Le dérèglement en cours s’explique en bonne partie par la prolifération d’objets inutiles, dont la production et l’élimination menacent de mort les principaux écosystèmes... >>

<< ...Arrêtons de répéter sans jamais agir qu’il faut changer notre façon de vivre et de consommer. L’heure est arrivée de mettre concrètement en cause la voiture individuelle, les écrans plats, les iPhone, le plastique, l’élevage industriel, le numérique et ses déchets électroniques, les innombrables colifichets – jouets, chaussures, cotonnades et vêtements, cafetières, meubles – venus de Chine ou d’ailleurs, les turbines, centrales, avions, TGV, vins, parfums partant dans l’autre sens... >>

<< ...N’est-il pas pleinement absurde de croire qu’on peut avancer en confiant la direction à ceux-là mêmes qui nous ont conduits au gouffre ? >>

 

2. William Bourdon**, (Libération, 4/12) : 

<< L’humanité n’attend pas simplement un accord contraignant mais qu’également, les Etats soient eux-mêmes contraints de répercuter leurs obligations sur les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, à savoir les entreprises privées. Or, 90 % d’entre elles sont responsables de 60 % de ces émissions. Ainsi, les engagements qui seront consignés dans le traité n’auront de portée que s’ils sont traduits dans la loi, de sorte que les manquements des acteurs privés puissent devenir justiciables... Le scandale Volkswagen est riche d’enseignements, pour le pire et le meilleur. Pour le meilleur, car il révèle que les systèmes les plus cyniques peuvent être confondus par une société civile «sentinelle». Pour le pire, car il démontre que le green washing est trop souvent un instrument pour enrôler les consommateurs dans une consommation éthique, alors même que les produits vendus ne le sont pas. Un groupe de travail, réuni au Collège de France sous la direction de Mireille Delmas-Marty, a rédigé 12 propositions juridiques pour la conférence de Paris sur le climat qui tendent à responsabiliser les Etats et les entreprises. Ces propositions mettent en évidence le paradoxe de la COP 21 : aboutir à un accord contraignant pour les Etats alors que, parallèlement, les entreprises usent universellement de manœuvres afin d’essayer d’échapper aux normes contraignantes et, par conséquent, au contrôle du juge... >>

<< ...Si l’autorégulation des entreprises était synonyme d’efficacité, les citoyens du monde s’en seraient aperçus. Ces derniers ont encore en mémoire l’autorégulation affichée par les grandes banques de la planète en 2008, lors de la crise financière qui a failli faire basculer toutes nos économies. De la même manière, on sait ce qu’il est advenu ou ce qu’il en est des engagements environnementaux s’agissant de Volkswagen. Il faut donc pénaliser les entreprises qui ne respectent pas leurs objectifs de réduction . Ceci suppose le renforcement de l’arsenal juridique de chacun des Etats, la mise en œuvre de pénalités lourdes, dissuasives (proposition 5), le renforcement de la responsabilité des sociétés mères et donneuses d’ordre (proposition 8)... >>

<< ...Il n’y aura pas de régulation des plus grands pollueurs de la planète si le droit d’arbitrage continue à méconnaître l’obligation des entreprises à respecter leurs engagements s’agissant de lutte contre le réchauffement climatique... >>

<< ...L’enjeu n’est rien de moins que de faire en sorte que l’accroissement des responsabilités des acteurs économiques privés ne se fasse jamais au détriment des citoyens ni de celui des Etats, lesquels sont responsables en première ligne de la protection des droits de l’homme. >>

 

3. Mon commentaire 

Fabrice Nicolino est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Un empoisonnement universel – Comment les produits chimiques ont envahi la planète (Les liens qui libèrent, 2014) et Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu'est devenue l'agriculture (Les Echappés, 2015). William Bourdon est avocat, spécialisé dans la défense des victimes de la mondialisation, et défenseur d'Yldune Lévy dans l'invraisemblable « affaire de Tarnac ». Il préside aussi l'association Sherpa qui travaille à rendre concrète la notion de responsabilité sociale des entreprises :  en 2005, il a fait verser par Total 5,2 millions d'euros à des victimes birmanes.

A propos de cette COP 21 parrainée par BNP, Suez, Carrefour, EDF, Engie, Air France, Renault, Google, L'Oréal, Michelin, Ikea et autres amis du climat (cf. notre note d'hier), Nicolino et Bourdon, observateurs de la stratégie des firmes géantes, sont aussi vigilants que le pape François qui écrit dans Laudato Si'  :

<<  ...Il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier [...]. Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l’effondrement... Le discours de la croissance durable devient souvent un moyen de diversion et de justification qui enferme les valeurs du discours écologique dans la logique des finances et de la technocratie ; la responsabilité sociale et environnementale des entreprises se réduit d’ordinaire à une série d’actions de marketing et d’image... >> (§ 194)

<< ...Si la production augmente, il importe peu que cela se fasse au prix des ressources futures ou de la santé de l’environnement ; si l’exploitation d’une forêt fait augmenter la production, personne ne mesure dans ce calcul la perte qu’implique la désertification du territoire, le dommage causé à la biodiversité ou l’augmentation de la pollution. Cela veut dire que les entreprises obtiennent des profits en calculant et en payant une part infime des coûts. Seul pourrait être considéré comme éthique un comportement dans lequel les coûts économiques et sociaux dérivant de l’usage des ressources naturelles communes soient établis de façon transparente et soient entièrement supportés par ceux qui en jouissent et non par les autres populations ou par les générations futures. >> (§ 195)

<< Le mouvement écologique mondial a déjà fait un long parcours, enrichi par les efforts de nombreuses organisations de la société civile. Grâce à un fort engagement, les questions environnementales [...] sont devenues une invitation constante à penser à long terme. Cependant, les Sommets mondiaux de ces dernières années [...] n’ont pas répondu aux attentes parce que, par manque de décision politique, ils ne sont pas parvenus à des accords généraux, vraiment significatifs et efficaces, sur l’environnement... >> (§ 166)

<< Le Sommet planète Terre réuni en 1992 à Rio de Janeiro a consacré [...]l’obligation pour celui qui pollue d’en assumer économiquement la charge, le devoir d’évaluer l’impact sur l’environnement de toute entreprise ou projet. [...] Les accords n’ont été que peu mis en œuvre parce qu’aucun mécanisme adéquat de contrôle, de révision périodique et de sanction en cas de manquement n’avait été établi. Les principes énoncés demandent encore des moyens, efficaces et souples, de mise en œuvre pratique... >> (§ 167)

<< ...La Conférence des Nations Unies [...] dénommée Rio+20 (Rio de Janeiro 2012), a émis un long et inefficace document final. Les négociations internationales ne peuvent pas avancer de manière significative en raison de la position des pays qui mettent leurs intérêts nationaux au dessus du bien commun général. Ceux qui souffriront des conséquences que nous tentons de dissimuler rappelleront ce manque de conscience et de responsabilité...  >> (§ 169)

<< ...Certaines des stratégies de basse émission de gaz polluants cherchent l’internationalisation des coûts environnementaux, avec le risque d’imposer aux pays de moindres ressources de lourds engagements [...] comparables à ceux des pays les plus industrialisés... Une nouvelle injustice est ainsi ajoutée sous couvert de protection de l’environnement... Il y a des responsabilités communes, mais différenciées, [...] parce que, comme l’ont relevé les évêques de Bolivie, « les pays qui ont bénéficié d’un degré élevé d’industrialisation, au prix d’une énorme émission de gaz à effet de serre, ont une plus grande responsabilité dans l’apport de la solution aux problèmes qu’ils ont causés »... >> (§ 170)

<< ...La stratégie d’achat et de vente de “crédits de carbone” peut donner lieu à une nouvelle forme de spéculation, et cela ne servirait pas à réduire l’émission globale des gaz polluants. Ce système semble être une solution rapide et facile, sous l’apparence d’un certain engagement pour l’environnement, mais qui n’implique, en aucune manière, de changement radical à la hauteur des circonstances. Au contraire, il peut devenir un expédient qui permet de soutenir la sur-consommation de certains pays et secteurs... >> (§ 171).

 

Voilà des textes qu'on ne se lasse pas de rappeler à ceux des catholiques français qui persistent – quoiqu'en nombre décroissant** – à faire comme si Laudato Si' n'existait pas, et comme si Benoît XVI et Jean-Paul II avaient été des libéraux productivistes.

 

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* Avant-hier sur Twitter, un jeune catho sarkozyste (arborant le noun) n'admettait pas qu'un chrétien, fût-il pape, puisse récuser le dogme de la croissance ajouté au Credo par le Pr Naudet. Nous lui avons parlé de Laudato Si' ; il a répondu : "stop théorie". 

 

18:15 Publié dans Ecologie, Pape François | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cop 21

Commentaires

CONCRET

> Le diocèse de Paris s'implique dans la "sauvegarde de la maison commune".
http://fr.aleteia.org/2015/12/04/cop21-les-pistes-concretes-du-diocese-de-paris/
http://www.paris.catholique.fr/-laudato-si-et-moi-.html
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Écrit par : isabelle / | 05/12/2015

PAS DE CHANCE

> La COP21 n'a pas de chance. Elle tombe mal. En effet l'actualité est occupée par d'autres sujets : le terrorisme, la guerre, l'approche des fêtes, des élections en France, les immigrés en Allemagne etc...Et si le FN fait le score attendu , on ne parlera que de ça... !
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Écrit par : BrunoK / | 05/12/2015

CLIMATOSCEPTIQUES PAYÉS EN DOLLARS

> le tas de fumier, il est là aussi :
http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/12/09/comment-greenpeace-a-piege-des-scientifiques-en-marge-de-la-cop21_4827651_4527432.html
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Écrit par : Tangui / | 09/12/2015

BRUXELLES

> Quels que soient les effets médiatique, plus exactement les retombées en termes de communication politique, le choix est effectué: les jeux de Bruxelles sont faits, rien ne va plus...
http://www.alterecoplus.fr/cop21/commerce-ou-climat-la-commission-europeenne-a-fait-son-choix-201512101100-00002732.html
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Écrit par : Aventin / | 13/12/2015

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